mercredi 5 septembre 2012

La route 66

Un peu de poésie dans ce monde de brutes pour débuter cet article sur la route 66, d’après John Steinbeck dans les raisins de la colère :


« La 66 est la route des réfugiés, de ceux qui fuient le sable et les terres réduites, le tonnerre des tracteurs, les propriétés rognées, la lente invasion du désert vers le nord, les tornades qui hurlent à travers le Texas, les inondations qui ne fertilisent pas la terre et détruisent le peu de richesses qu’on y pourrait trouver. C’est tout cela qui fait fuir les gens, et par le canal des routes adjacentes, les chemins tracés par les charrettes et les chemins vicinaux creusés d’ornières les déversent sur la 66. La 66 est la route-mère, la route de la fuite. » 










Après la nuit passée à Flagstaff, on reprend l’autoroute direction la ville de Selingman afin de suivre une partie du plus long tronçon ininterrompu de la route 66. Une belle descente nous attend, on ne s’était pas aperçu de l’altitude à laquelle on était, comme bien souvent aux
Etats-Unis…




La vallée alpine que l’on traverse est verdoyante, tout d’abord un paysage de sapins, puis viennent des plaines aux étendues de fleurs jaunes éclatantes. Après plusieurs jours dans des contrées quasi désertiques, on apprécie d’autant plus le changement de paysage.








On se dirige vers la route 66 qui va dans la même direction que nous. Il faut savoir que cette fameuse route n’existe plus de bout en bout. A l’origine, elle permettait de relier Chicago au Nord-ouest du pays, à la côte pacifique en Californie. La route prend naissance en 1926 lorsqu’est dessiné le réseau routier qui remplacera le désordre des pistes existantes.








Cette diagonale qui traverse huit états est offi ciellement achevée en 1936, de US 66 elle est rapidement surnommée "Grande rue de l’Amérique", ou encore "Mother Road".

Sa renommée et son importance dans l’histoire américaine n’a pas attendu qu’on en pose la dernière pierre. Un petit bout d’histoire s’impose (comme on s’est instruit, on vous en fait profiter :), retour dans les années 30…

La Grande Dépression, qui suit la crise économique de 1929, a pour conséquences le chômage et la misère pour des milliers d’américains. A cette crise économique s'ajoute entre 1934 et 1936 le Dust Bowl, événements climatiques se traduisant par une grande sécheresse et des tempêtes de poussières.









Les récoltes des familles exploitant les terres des états de l'Oklahoma et de l'Arkansas sont réduites à néant. Ces familles ne pouvant rembourser les banque souvent propriétaires des terres exploitées, n'ont d'autre choix que l'exode.









Les "vertes vallées de Californie", véritable Terre Promise, et l'existence de la Route 66, leur ouvrent une voie toute tracée vers l'Ouest. Elle sera donc empruntée par des milliers d’immigrants dans des conditions peu enviable, voitures chargées de toutes leurs possessions, les poches et le ventre souvent vide, et toujours la peur de ne pas arriver au bout de la route.



 Sur le trajet les pièces automobiles se vendent à prix d’or, faisant la richesse de certains et le malheur d’autres qui laisseront une épave de plus au bord de route faute de pouvoir payer. Même une fois en Californie, pour ceux qui y parviennent, la vie ne sera pas celle attendue et peu s’y installeront définitivement.


Retour au présent, il est temps de sortir de l’autoroute et de bifurquer, pour de bon, sur cette fameuse route. Arrivé à la ville de Selingman, on fait un saut dans le temps. L’avenue principale semble être figée dans les années 30 à 60 en fait selon là où on pose les yeux !








C’est surtout les voitures retro et les vieilles pompes à essence qui décident dans quelle décennie on se trouve. On est aux anges, Aymeric tourne autour des voitures de collections avec un sourire béat, comme à chaque vieille (voiture) américaine croisée pendant notre périple.








Évidement toutes ces belles choses font office de devanture à des boutiques de souvenir, on en comptera pas moins de 5 sur le petit bout de l’avenue principale (la seule en fait) que l’on parcourt à pieds sur moins d’un kilomètre.

On choisit celle qui a la devanture la plus originale et on se commande un bon café le temps de faire le tour de ce véritable bazar. Sous nos yeux : fatras de plaques d’immatriculations, affiches rétro en fer, et autres babioles se rapportant autant à la route 66 qu’à l’histoire de l’Amérique, un régal de couleurs et de formes.













Bien sûr on voit des dizaines de choses à ramener à la maison… mais finance oblige et surtout manque de place, on reste soft. Il faut dire que la 66 nous attend alors on s’échappe de ce lieu de perdition avant d’y laisser le portefeuille.

Direction Kingman, 130 kilomètres plus loin. Le paysage devient plus plat et les collines font place à des prairies un peu sèches. On croisera des chevaux en train de s’échapper d’un ranch et poursuivi par deux voitures, un peu plus loin alors qu’on est en territoire indien, un automobiliste lassé de notre allure de touriste nous double en plein village… au moment ou un beau 4x4 de la police arrive en face !! On a le droit à une arrestation en direct !






Tout nous parait différent sur cette route, pour Aymeric c’est un rêve de plus de réalisé alors même un buisson au bord de la route devient spectaculaire ici ! Une bonne heure et demie plus tard nous voilà à Kingman, il faut dire qu’on ne roule pas vite, moyenne de 80km/h sur toutes les routes dans la mesure du possible, consommation d’essence oblige. Ça permet aussi de profiter du paysage et d’être plus relax, après tout on a rendez-vous avec la route, et on est dessus. Pas de stress !







Donc on parlait de Kingman, petite bourgade agrémentée de motels et de vieilles enseignes. Mais ce qui nous intéresse c’est surtout le musée de l’US 66 qui s’y trouve. On arrive, comme souvent, à la limite de l’heure de fermeture donc il faudra être rapide, un bon point tout de même, on ne nous fera pas payer l’entrée.





A l’intérieur on a le droit à l’histoire de la Mère des routes, et surtout du tronçon local. Au mur, des photos de la flopée d’immigrants qui l’arpentaient dans des conditions de misère qu’on n’imaginait pas. On voit aussi des reliques plus récentes : de belles pompes à essence ou devantures de magasins typiques. En effet ce sont les années 50 qui auront permis de créer le mythe de la route 66.






Au début de cette décennie, la démocratisation de l’automobile et des vacances attire des milliers d’américains sur « LA » route friands des paysages qu’elle traverse et des nouveaux parcs nationaux qu’elle dessert. On comprend mieux pourquoi on bourgeonné Garages, Motels, Diner et autres Drive-in sur ses bords, lui donnant ainsi ses lettres de noblesse. On se régale sans perdre une seconde, et une fois sortis il est grand temps de se faire un casse-croute sur le parking du musée.



Il est à présent désert, mais bordé d’une voie de chemin de fer (trop) usité par des locomotives hurlantes. Ici il en passe environ 80 par jour et avec le bruit assourdissant de leur sifflet dont les conducteurs semblent abuser sans remords, on se demande comment les habitants ne deviennent pas fous.




On repart donc de Kingman avec les oreilles bien débouchées et c’est l’attaque d’une portion montagneuse de la route, vers la ville de Needles. Entre nous et la frontière entre Arizona et Californie où se trouve cette ville, s’étend une immensité maintenant désertique parsemée de maisons rafistolées ou à l’abandon.

Au loin on aperçoit les montagnes que l’on doit traverser pour rester sur LA route, plutôt que de prendre l’interstate. En effet, en 1956 est proposé un vaste réseau autoroutier destiné à relier rapidement tous les états, les « Interstate ». La route 66 n’étant plus adaptée au trafic qu’elle supporte, elle se voit doublée par ces nouvelles autoroutes qui vont par endroit la recouvrir, et à d’autres suivre son tracé.


Sur la portion que l’on emprunte maintenant, l’autoroute a choisit- on comprend pourquoi - de contourner les pics acérés dans lesquels on arrive. La route slalome beaucoup, les lacets sont serrés et on se croise difficilement, heureusement la circulation se fait rare par ici. On traverse ce qui ressemble davantage à des villes fantômes, reliques de vieilles mines ou assemblage de mobil homes poussiéreux…



Alors que les a pics nous entourent, l’ambiance s’assombrie et un motard nous ouvre la route vers le soleil rasant. Avec cette luminosité, le paysage de roches à nu variant du gris dominant au rouge nous offre un magnifique spectacle.

Seuls quelques Yuccas et cactus ont résisté en ces lieux… De l’autre côté d’un col, un beau coucher de soleil illumine la vallée qui s’étend entre nous et les montagnes californienne au loin. On continue à s’en prendre plein la vue, alors qu’au Sud un orage fait rage et nous régale de magnifiques éclairs.


Pour la fin cette portion de La 66 en Arizona, on est plutôt gâté. On arrive finalement à Needles et surpris cette fois pas d’inspection de la voiture à la recherche d’agrumes ! Il fait nuit, malgré cela la chaleur a bien augmenté…

Ce qui nous attend pour la suite, du désert, un vrai cette fois ci (très chaud en tout cas) et la ville de Barstow où on a prévu d’aller voir le Fameux Bagdad Café ! Pour le moment la chaleur est supportable, mais on sait bien que cela va empirer le lendemain matin, alors ni une ni deux, on décide d’avaler 230km de plus de nuit tant qu’il fait bon.


Un panneau de bord d’autoroute indique Las Vegas/searchlight, au début on ne comprend pas trop puis carte à l’appui, on se dit que c’est bien la fameuse ville qui réalise ce tapage lumineux (distant de 180 km) en plein désert ! Arrive à la périphérie de Barstow on se pose enfin sur le parking miteux d’un truck stop en bordure de désert.














Le lendemain, pas de changement il fait toujours chaud à mourir et le besoin d’une douche est plus que primordial ! Le seul camping que l’on trouve, pas très commerçant, nous propose une douche au prix de la nuitée : ils sont fous ces californiens ! Dommage l’étang artificiel posé au milieu du sable était bien attrayant…



On s’en retourne collant vers LE Bagdad Café pour vous l’aurez deviné se boire un bon café ! Les gérants sont très rigolos et, avec les boissons, nous amènent le livre d’or du mois qu’on est un peu contraint et forcé de signer.

On sirotant notre petit dèj on se perd dans l’observation de l’endroit complètement tapissé de reliques de voyageurs. Nous saute aux yeux beaucoup de démonstrations frenchies allant du tee shirt Leclerc à la banderole de l’OM !









Si on fait abstraction de toutes les notes et souvenirs qui recouvre la pièce, la déco du lieu semble être figée dans les années 80 et en retrouve même des vieilles air Stream brillant en arrière-cour.






On s’échappe finalement vers le prochain parc au programme, en retrouvant la route 66 pour lui faire nos adieux le long d'une voie de chemin de fer comme bien souvent... (on trouvera une douche en chemin, on vous rassure !)

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